Quatre enjeux de l'industrie 4.0

La quatrième révolution industrielle apporte également son lot d'enjeux. La standardisation, la sécurité, l'environnement et la place que l'homme y occupera sont des sujets de réflexion importants.

Quatre enjeux de l'industrie 4.0

Chaque révolution industrielle a apporté son lot de problèmes et de défis. La marginalisation des campagnes, l’augmentation de l’insécurité et les problèmes sanitaires liés à un afflux massif de travailleurs dans des zones urbaines inadaptées, l’exploitation et la déshumanisation des ouvriers, les nombreux accidents sur des lignes de production, l’impact écologique du recours massif au charbon puis au pétrole, les tensions sociales… Les révolutions industrielles bouleversent les sociétés sur les plans économique, social et politique, et font naître de nombreux enjeux auxquels répondent les dirigeants d’entreprises et d’États selon les priorités de l’époque. L’industrie 4.0 ne fera pas figure d’exception.

Dans un contexte où le terme de “développement durable” est sur toutes les lèvres, où le monde est globalisé et interconnecté, quels sont les enjeux de la quatrième révolution industrielle ?

Pour comprendre l’industrie 4.0 et ses concepts, n’hésitez pas à lire notre article Bienvenue dans l’industrie du futur !

La standardisation au service de l’industrie 4.0

La puissance de l’industrie 4.0 ne pourra être déployée que si les systèmes sont interopérables, c’est-à-dire s’ils peuvent fonctionner les uns avec les autres, sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. Or cela  n’a rien d’évident dans la mesure où telle ou telle machine sera construite par tel ou tel constructeur, avec telle ou telle spécificité unique. Il s’agit donc de créer des normes universelles afin d’assurer l’interopérabilité de ces machines et de ces systèmes pour fluidifier la chaîne de production.

En particulier, les systèmes doivent pouvoir communiquer entre eux. Communiquer consiste à transmettre des informations, mais tant que les systèmes n’attribuent pas de sens à ce qu’ils envoient ou reçoivent, alors ils ne font que s’échanger des données sans pouvoir en faire quoique ce soit. Pour que ces données deviennent des informations, il faut donc créer des protocoles de communication, c’est-à-dire spécifier des règles pour un type de communication, et les standardiser. L’un des principaux enjeux est donc de déterminer quels seront les standards informatiques des usines du futurs, et d’imposer ces standards au niveau international.

Le protocole OPC UA45 est par exemple un standard de prédilection pour l’industrie 4.0. C’est un protocole de communication universel, sécurisé, adapté à la communication entre machine, qui peut être appliqué à n’importe quel support physique ou système d’exploitation, et qui peut aussi bien être installé sur un micro-ordinateur embarqué que sur un automate ou un capteur. Mais il n’est pas encore très déployé en France, alors qu’il l’est en Allemagne et aux Etats-Unis, les deux pays leaders de la quatrième révolution industrielle.

La sécurité : l’enjeu clé de la quatrième révolution industrielle

La sécurité est un enjeu de l’industrie 4.0 à plusieurs niveaux. D’une part, les systèmes de production doivent être fiables. Pour ne pas perturber la chaîne de production, les problèmes techniques tels que les pannes ou les dysfonctionnements des machines et des logiciels doivent être évités à tout prix. D’autre part, les installations et les machines utilisées ne doivent pas présenter de danger ni pour les humains qui les utilisent, ni pour les données et informations qu’elles contiennent.

L’industrie 4.0 va générer et brasser une quantité de données astronomique. Or, dans un système où tout est interconnecté, le risque est plus grand : si une machine est la cible d’une cyberattaque, alors toutes les autres machines appartenant au même réseau sont aussi potentiellement en danger. Aujourd’hui le cloud présente quelques faiblesses en termes de sécurité : la confidentialité des données n’est pas toujours assurée, et ces dernières ne sont pas toujours chiffrées. Or, empêcher le vol, le transfert non-autorisé de données, et les tentatives de piratage de données par des acteurs internes ou externes d’un même réseau de chaînes de valeur, sont des enjeux clés pour protéger les données stratégiques et secret industriel. A noter que la sécurité des employés passe aussi par leur sécurité numérique : leurs données personnelles doivent être protégées au même titre.

Il existe plusieurs solutions pour augmenter la cybersécurité. D’abord, la formation des employés est primordiale car elle permet de limiter le risque humain. Créer différents niveaux d’accès permet aussi de réduire le nombre de failles humaines. Ensuite, au niveau du réseau, il est possible d’utiliser un réseau virtuel privé (VPN), ou encore de segmenter le réseau en sous-réseaux pour augmenter le nombre de barrières. Les entreprises peuvent également utiliser des protocoles sécurisés tels que TLS (Transport Layer Security) et SSL (Secure Socket Layer) pour transférer des données, ainsi que sécuriser l’identification et l’authentification au moyen d’échange de clés de chiffrement.

La sécurité, et particulièrement la cybersécurité dans le contexte de l’industrie 4.0, est un enjeu bien trop important pour être relégué au second plan. Compter un expert en la matière parmi ses ressources humaines est la première chose à faire pour diminuer le risque.

Saviez-vous que l’erreur humaine est un des risques majeurs en termes de cybersécurité ? Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre article CYBERSÉCURITÉ – L’interview de Sylvan Ravinet.

L’industrie 4.0 fait elle mieux ou moins bien sur le plan environnemental ?

C’est l’une des promesses de l’industrie 4.0 : elle sera responsable. Responsable socialement et responsable écologiquement. En ce qui concerne l’écologie, elle a indéniablement plusieurs cordes à son arc.

La principale ressource d’énergie utilisée sera l’électricité, autrement dit une énergie renouvelable. Pour limiter les coûts financiers, les entreprises auront tout intérêt à optimiser au maximum l’utilisation de cette dernière, comme c’est déjà le cas dans les data centers. C’est par exemple l’idée derrière les smart grids, ou réseaux électriques intelligents, des réseaux de distribution d’électricité qui favorise la communication entre fournisseurs et consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité en temps réel et de gérer de façon plus efficace le réseau électrique. Au niveau d’une ligne de production, les gains pourraient ainsi être conséquents.

Ensuite, l’industrie 4.0 tend à produire des biens mieux adaptés à la demande et de façon plus efficiente, avec en particulier une utilisation des ressources plus juste et avec moins de déchets. Les imprimantes 3D par exemple n’utilisent que le strict nécessaire en termes de matériaux.

Enfin, dans le secteur industriel, les appareils électroniques et les machines ont une durée de vie élevée, et le cloud, qui est un espace virtuel, n’en n’a pas du tout.

Mais l’industrie 4.0 n’aura pas un impact écologique nul ! Pour revenir sur les appareils électroniques et les machines, leur fabrication nécessite énormément de ressources, en particulier d’eau, et rejette une grande quantité de déchets chimiques toxiques. Les métaux utilisés, tels que le cobalt ou le lithium pour les batteries, sont des métaux dont l’extraction et l’utilisation ont un sérieux coût écologique. Mais ce n’est pas tout. Le secteur du numérique pollue énormément, et constitue aujourd’hui entre 2 et 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Et l’industrie est bien loin d’avoir achevé sa transformation numérique ! Bien qu’optimisées, les lignes de production 4.0 consommeront beaucoup d’électricité et émettront beaucoup de GES.

Dans la mesure où l’industrie 4.0 va impacter beaucoup de comportements et transformer un grand nombre d’activités, il est presque impossible de dire aujourd’hui quel sera l’impact écologique de l’industrie 4.0 lorsqu’elle sera pleinement déployée, ou même de dire si cela sera mieux ou moins bien qu’avant. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il est primordial d’intégrer dès maintenant l’aspect durable dans l’élaboration et la conception des chaînes de production et des machines. La question environnementale ne doit pas être traitée après coup, mais bien être pensée en même temps que progresse la réflexion sur l’industrie 4.0.

Pour en savoir plus sur l’impact écologique du numérique, n’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil à nos articles Green IT – interview Romain Willmann et La pollution numérique !

Et l’humain dans tout ça ?

La destruction d’emplois s’est probablement ce qui inquiète le plus lorsqu’on parle de l’industrie 4.0. La numérisation et l’automatisation des processus, les robots et l’IA sont perçus comme autant de substituts aux humains. Alors oui, beaucoup de métier vont disparaître. Mais la bonne nouvelle c’est que beaucoup d’autre vont apparaître. Comme les révolutions industrielles précédentes, la révolution 4.0 va transformer le monde professionnel non seulement en termes de métiers, mais aussi en termes de compétences.

Il y aura besoin de compétences technologiques en IoT, en réseaux, en cybersécurité, en robotique, et globalement dans la manipulation des outils du numériques ainsi qu’en ingénierie des systèmes électroniques et informatiques. Il y aura aussi besoin de compétences non-technologiques : par exemple, la gestion du savoir, la gestion de l’information, la gestion des réseaux sociaux. Les soft skills seront davantage valorisés, comme par exemple l’autonomie, la responsabilité, la capacité à collaborer efficacement, la gestion de projet, la prise d’initiative ou de décision, et la créativité.

Les futurs nouveaux métiers répondront aux besoins de l’industrie 4.0. Par exemple, il y aura de nombreux métiers, déjà plus ou moins répandus, liés au domaine de la data : data scientist, data architect, data engineer, data analyst, responsable des données numériques… Il y aura également besoin d’experts en fabrication additive ou en mécatronique, et même de formateurs de robots ! Il faudra aussi des ingénieurs en cybersécurité, des statisticiens en maintenance prédictive, ou encore des responsables en e-CRM. Pour la gestion de la supply chain, il faudra des responsables, des conducteurs de ligne, des opérateurs de commandes numériques, des opérateurs et des techniciens de maintenance. Enfin, les métiers du management seront aussi transformés avec par exemple des intitulés tels que chef de projet en TIC, chef de projet en IoT, ou encore Chief Digital Officer.

L’accès à la formation continue sera crucial pour accompagner les travailleurs dans la transformation numérique de l’industrie : d’abord pour acquérir une culture numérique, ensuite pour évoluer en même temps que les technologies.

De façon contre-intuitive, la quatrième révolution industrielle permet de remettre l’humain au centre de l’industrie, en augmentant la responsabilisation, l’organisation participative et la collaboration, en encourageant la créativité et l’autonomie, et en stimulant les compétences sociales. La recherche de la qualité de vie au travail sera également au centre des préoccupations.

Les machines peuvent faire, et même mieux, la plupart des tâches répétitives, qu’elles soient intellectuelles ou manuelles. En revanche seul l’humain peut réfléchir, penser des solutions et innover.

Les machines, d’une entreprise à l’autre, peuvent toutes faire les mêmes tâches. Ce seront donc les femmes et les hommes qui y travaillent qui feront la différence.

Il ne s’agit pas là des seuls enjeux lié à l’industrie 4.0. Les enjeux économiques, politiques et géopolitiques n’en sont pas moins importants et méritent autant d’attention. Les révolutions industrielles sont des moments clés de notre histoire car elles transforment sur le long-terme. Il est clair aujourd’hui que nous ne pouvons pas encore qualifier ou quantifier de façon certaine les impacts qu’aura la quatrième révolution industrielle, mais il ne fait aucun doute qu’ils seront nombreux.

Pauline Sicsik


Sources